Conférence-débat sur 1921

Penser et agir pour l’émancipation en temps de catastrophes

Face à la guerre mondiale, porté par les espoirs de la révolution russe des militant·e·s s’organisent pour changer le monde: des questions utiles pour aujourd’hui? 

Jeudi 14 octobre 2021 – 20 h, Maison de quartier sous-gare (Avenue Dapples 50, Lausanne)

Conférence-débat avec Marc Perrenoud et Julian Mischi

 Août 1914 marque le naufrage d’une volonté: celle des socialistes et des syndicalistes européens d’empêcher la guerre. Loin de s’y opposer, nombre de dirigeants de premier plan s’empressent de monter dans le train fou des États en conflit. Remisant leurs discours d’hier, ils participent avec ardeur à l’effort de guerre, enterrant l’internationalisme et désorientant les classes laborieuses et des milliers de militant·e·s. Une poignée d’entre eux, dans un premier temps, tente de renouer les fils rompus.

La guerre mondiale atteint une dimension cataclysmique, près de 20 millions d’êtres humains sont tués ou blessés, civils et militaires. Un tournant de l’histoire s’amorce.

Au cœur de cette boucherie, dans l’Empire le plus autoritaire d’alors, la Russie des tsars, les dominé·e·s et les exploité·e·s n’en peuvent plus, tandis que les possédants ne parviennent plus à assoir leur domination. Le 8 mars 1917, les femmes, subissant de plein fouet les effets des pénuries, manifestent, jetant une étincelle qui allume un immense brasier. Les soldats refusent de se battre, les paysans réclament la terre, les ouvriers de meilleurs salaires et la journée de 8 heures. La paix, du pain, la terre!

Loin de se cantonner à la Russie, cette grandeur lueur qui s’allume à l’est entre en résonance avec les mécontentements, la volonté d’en finir avec les massacres et les pénuries, qui agitent de manière croissante et à des degrés divers, tous les pays européens. Y compris dans les pays restés neutres. La Suisse est de ceux-là, la neutralité n’empêchant toutefois pas de réaliser de juteuses affaires pour les industries des puissances belligérantes. Les pénuries et les privations sont semblables à celles des pays en guerre: 700’000 habitant·e·s bénéficient, en 1918, de l’assistance sociale sur une population de moins de 4 millions; si les tranchées sous les tirs d’obus ne font pas partie du quotidien des soldats, l’autoritarisme et la rigidité militaires sont vivement ressentis.

Dans ce contexte explosif, les divisions au sein des mouvements ouvriers s’accroissent entre ceux qui ont lié leur sort aux gouvernements de leurs pays respectifs et ceux qui veulent mettre un terme à la guerre. Les révolutions russes donnent un tour nouveau à ces fractures; elles se doublent des espoirs soulevés par ce qui est vu comme l’instauration du premier régime socialiste de l’histoire.

Loin des approches convenues, des relectures à partir du présent, ces années sont riches en débats, en ébullitions sociales et culturelles, en espoirs d’en finir avec le vieux monde et avec toutes ses oppressions. Un siècle plus tard, alors que la course des sociétés humaines fait face aux désastres écologiques, qu’elles doivent y répondre de manière impérative, il est utile de se replonger dans cette période – en sachant tout ce qu’elle a de différent de la nôtre; elle a sans doute à nous apprendre quelque chose.

Plutôt qu’à une célébration terne ou à un inventaire condescendant du centenaire de la fondation des partis communistes, les deux intervenants nous proposent un vivant voyage au cœur de cette période tumultueuse. Julian Mischi retracera la genèse et les débuts du Parti communiste français, une organisation alors loin d’être monolithique et téléguidée depuis Moscou, réunissant des féministes, des syndicalistes révolutionnaires, des socialistes de gauche et bien d’autres courants, en tensions et en débats. Marc Perrenoud, lui, s’attachera à retracer la trajectoire de Jules Humbert-Droz (1891-1971), un jeune pasteur gagné aux idées socialistes, emprisonné à plusieurs reprises pour son refus de devenir soldat, bientôt l’un des fondateurs du Parti communiste suisse et figure de premier plan de l’Internationale communiste.

Les intervenants:

Julian Mischi est historien, sociologue et politiste auprès de l’INRAE, auteur de plusieurs ouvrages sur les rapports entre les classes populaires et les organisations politiques de gauche. Il a publié en 2020 Le Parti des communistes. Histoire du Parti communiste français de 1920 à nos jours (éd. Hors d’atteinte).

Marc Perrenoud est historien, auteur de plusieurs ouvrages dont Banquiers et diplomates suisses (1938-1946) (éd. Antipodes, 2011). Dès 1981, il a contribué à plusieurs projets de recherches. Ses travaux portent notamment sur l’histoire du mouvement ouvrier neuchâtelois. Il a contribué à des Cahiers de l’AEHMO et a publié des articles sur Jules Humbert-Droz.

Organisé par le Cercle de débats Rosa Luxemburg

Avec le soutien de l’Association pour l’étude de l’histoire du mouvement ouvrier (AEHMO)