Appel à contributions!

L’écologie et le monde ouvrier – Appel à contributions pour les Cahiers d’histoire du mouvement ouvrier, n° 35, 2019.

Lutte environnementale et lutte syndicale sont-elles conciliables ? Les Cahiers d’histoire du mouvement ouvrier se proposent de traiter cette question pour leur prochaine livraison (été-automne 2019). Evoquer écologie et monde ouvrier revient, dans le récit qui est généralement fait de leurs rapports, à opposer la défense de l’environnement au maintien de l’emploi. Ce dilemme en est-il vraiment un ? Dans quelle mesure a-t-il été construit par des stratégies patronales d’évitement des régulations ou par des logiques étatiques cloisonnant les dommages à l’intérieur ou à l’extérieur des usines?

Depuis quelques années, l’histoire du mouvement ouvrier et l’histoire environnementale réinterrogent le développement des luttes pour la santé au travail et pour la défense de la « nature ». Si les usines polluent l’air, l’eau et les sols environnants, les premiers touchés par les contaminations restent les travailleuses et travailleurs, sentinelles occultées de nombreux scandales environnementaux et sanitaires[1]. Stefania Barca pour l’Italie ou Renaud Bécot pour la France ont bien montré que les rapports entre environnementalisme et mouvement ouvrier n’étaient pas forcément conflictuels dans le second après-guerre[2]. Ce cahier propose de poser un premier jalon, en Suisse, de cette approche renouvelée des liens entre écologie et monde du travail. Il ne souhaite pas se limiter au « tournant environnemental » des années 1970, mais engage à des recherches sur le temps long et invite à entreprendre l’étude des mouvements d’opposition aux dégâts de l’industrialisation et de critique de la notion de « progrès » technique et scientifique.

Plusieurs pistes de recherche peuvent être envisagées :

  • Les rapports des syndicats avec les mouvements de conservation de la nature (Heimatschutz, Ligue suisse pour la protection de la nature, …), avec les mouvements locaux de type NIMBY (Not in my backyard), avec les mouvements et partis écologistes (Greenpeace, WWF, …), avec les mouvements antinucléaires (Kaiseraugst, Creys-Malville…), avec les mouvements de défense des consommatrices…
  • L’hygiénisme industriel et la visibilité ou invisibilité des maladies professionnelles, le rôle des médecins (d’usine ou indépendants), des savoirs experts ou profanes et de l’épidémiologie populaire.
  • L’influence des lanceuses et lanceurs d’alerte, la collaboration entre milieux scientifiques et mouvement ouvrier, les scientifiques militants.
  • La définition des valeurs limites d’exposition aux substances toxiques au niveau national (Inspection fédérale des fabriques, Office fédéral de la protection de l’environnement) et supranational (Organisation internationale du travail, OMS, OCDE…), les intoxications ouvrières utilisées comme indicatrices de ces seuils.
  • Les inégalités environnementales d’accès aux ressources dites naturelles mais aussi d’exposition aux risques industriels, notamment pour les travailleuses et travailleurs immigré-e-s, l’important turnover de certains métiers à risque.
  • Le problème des contaminations chroniques, à bas bruit et à effets à retardement.
  • La médiatisation ou banalisation des controverses de santé au travail, les représentations ou non-représentations des corps ouvriers malades.
  • Les réactions syndicales face au chantage à l’emploi ou aux menaces de délocalisation, la mise en avant des notions de cadre et de qualité de vie.

 

Nous invitons les auteurs intéressés à transmettre un résumé de leur article (d’environ 400 mots) avant le 4 janvier 2019 à : Alexandre Elsig (alexandre.elsig@gmail.com) ; Marianne Enckell, (marianne.enckell@gmail.com); Magali Pittet (magali-nathalie.pittet@etu.hesge.ch).

© Manifestation antinucléaire à Bex, juin 1978 (Fotolib)

 

[1] Cahier d’histoire du mouvement ouvrier, Dossier: Victimes du travail, n° 20, Lausanne : AEHMO & Ed. d’En Bas, 2004.

[2] Barca Stefania, « Sur l’écologie de la classe ouvrière : un aperçu historique et transnational », in : Ecologie & politique, n° 50, 2015, pp. 23‑40 ; Bécot Renaud, Syndicalisme et environnement en France de 1944 aux années quatre-vingts, Paris, EHESS, 2015.