Appel à contributions

Pour les Cahiers d’histoire du mouvement ouvrier, n° 38, 2022:

 Des salariées et des salariés exposé·e·s par la pandémie

 

 

 

Elle a fait irruption début 2020, mais nul ne sait encore si et comment la pandémie Covid-19 fera encore parler d’elle dans les mois à venir. Le temps n’est sans doute pas encore venu d’en faire l’histoire, mais cela n’empêche pas de réfléchir à tout ce que cette crise a pointé des réalités de la société, de certains de ses aspects cachés et occultés, et des maux profonds qui la traversent à différentes échelles.

En février-mars 2020, toute la vie sociale a été suspendue par des confinements ou semi-confinements instaurés à une échelle nationale qui s’est révélée parfois trop vaste ou trop limitée, en même temps trop vaste et trop limitée. Une logique de l’essentiel et du non-essentiel s’est imposée qui a privilégié le travail, qui a parfois troublé le sommeil, mais qui a surtout anéanti les loisirs et la vie sociale. Le virus a déployé ses menaces mortifères d’une manière discriminatoire, avant de révéler d’autres méfaits pernicieux pour une part plus importante de la population. Le chaos contraint des mesures barrières et de la politique sanitaire, d’abord ordonné par les nécessités de la lutte contre le virus, mais parfois orienté aussi par les intérêts d’un prétendu essentiel dicté par les milieux économiques, a produit une vague singulière et inédite d’inégalités, en partie dévoilées et en partie produites par cette situation sans précédent.

 

Les files d’attente printanières des samedis, genevois et vaudois, pour obtenir une aide alimentaire ont fortement marqué les consciences, tout comme l’engagement du personnel soignant applaudi depuis les balcons de toutes les villes. C’était la première vague. Depuis lors, les distributions humanitaires ont été décentralisées et plus grand monde ne semble se préoccuper du personnel soignant.

Du point de vue de la réflexion historienne, et à toutes les échelles géographiques et temporelles, cette crise d’une ampleur inédite a présenté et présente encore trois caractéristiques majeures. Elle constitue un révélateur d’aspects cachés, peu visibles, des réalités profondes de la société, de ses inégalités et de ses contradictions. Elle représente une expérience collective de l’incertitude, faute de pouvoir connaître et maîtriser son évolution à venir, qui permet de prendre en partie conscience de ce qu’ont pu être les incertitudes affrontées dans le passé. Elle rend surtout visibles, et d’autant plus préoccupantes, les réalités de la question sociale, et encore une fois des inégalités, dans un contexte historique marqué par des prises de conscience sur les méfaits du néolibéralisme économique.

Notre revue souhaite s’attarder sur ces visibilités peut-être éphémères et ce qu’elles nous disent d’un réel qui, lui, est stabilisé dans la durée. Nous ne mesurons pas encore toute l’ampleur des effets de cet ébranlement pour celles et ceux qui ont été ou sont empêché·e·s de travailler dans le contexte pandémique. Mais nous pouvons déjà examiner ce qu’il en est de celles et ceux qui ont été forcé·e·s de rester au premier plan pour assurer les besoins de première nécessité de toute la population, en matière de soins, de secours et d’assistance, bien sûr, mais aussi d’alimentation, de grande distribution, de transport, d’hygiène, etc. Cette crise a aussi révélé le monde invisible et occulté du travail précaire de sans-papiers, en particulier de femmes, qui en ont payé en premier lieu les conséquences, lesquelles ont été très lourdes en ce qui les concerne. D’autant plus que ce sont aussi les catégories les plus précaires qui ont été les plus exposées au virus et à ses conséquences.

 

Ce dossier des Cahiers d’histoire du mouvement ouvrier entend traiter à la fois du présent et du passé :

  • Du présent, c’est-à-dire de cette situation pandémique encore en cours, pour en interroger les réalités sociales, les conséquences sanitaires et économiques pour ces catégories exposées et examiner les manières d’un faire un premier bilan critique avant de pouvoir envisager d’en construire l’histoire.
  • Du passé pour interroger l’histoire sociale de ces catégories de salariées et salariés placé·e·s au premier plan face au virus, dans les domaines des soins et des services, mais aussi les derniers des derniers, ces précaires et sans-papiers qui perdent à peine s’arrête la vie économique ; pour examiner également les manières dont ont été défendus, ou pas, leurs intérêts collectifs et l’évolution de leur place dans les actions du mouvement syndical et associatif au cours de son histoire.

 

Nous invitons les personnes intéressées à transmettre leur proposition d’article (d’environ 400 mots) d’ici à la mi-novembre 2021 à l’AÉHMO : info@aehmo.org

Les articles (30 000 signes au maximum) devront être rendus pour la fin janvier 2022.

 

(photo © corona-memory.ch (24.3.2020))