Appel à contributions

“Les travailleuses et travailleurs de la terre” – Cahiers AEHMO 37, 2021

  • © Archives RTS, Horizons, 1961.

Le monde paysan et les travailleurs/travailleuses de la terre occupent une position singulière dans le monde du travail et ils ont peu retenu l’attention des historien·ne·s du monde ouvriers et des mouvements sociaux. Même si la question agraire a parfois fait l’objet de réflexions de quelques penseurs socialistes, ces historien·ne·s, en Suisse comme ailleurs, ont très souvent prêté au monde rural une réputation d’archaïsme, de conservatisme, d’absence totale de conscience sociale, de capacité réflexive ou émancipatrice, rejoignant Marx dans ces considérations féroces du Dix-huit Brumaire : «ils [les petits paysans] ne peuvent se représenter eux-mêmes, ils doivent être représentés. Il faut que leurs représentants apparaissent en même temps comme un pouvoir gouvernemental illimité qui les protège contre les autres classes et leur dispense d’en haut la pluie et le beau temps». Il faut dire que la bourgeoisie a su souvent mobiliser le monde paysan à son service, et que les occasions d’opposition voire de confrontation entre monde ouvrier et monde paysan sont bien réelles.

A cela s’ajoute le fait que l’image du paysan, petit propriétaire et maître sur son domaine, continue à être une représentation structurante de la profession, qui rend l’alliance avec les salarié·e·s difficile, quand bien même l’accroissement de la dépendance des agriculteurs et des agricultrices vis-à-vis de l’industrie et du capital (fourniture des intrants et des machines, écoulement de la production, crédits) les met dans une position qui n’est pas sans présenter certains traits communs avec celle des travailleurs et travailleuses de plateforme.

Pourtant, l’histoire des rapports entre le mouvement ouvrier et la «classe difficile» des paysan·ne·s, «awkward class» pour reprendre le titre célèbre d’un ouvrage du sociologue britannique Teodor Shanin, est non seulement une histoire de conflit et de confrontations, mais aussi une histoire de collaborations et de convergence d’intérêts. Le monde paysan n’est pas un bloc homogène, il est plus divers qu’on ne le postule parfois, avec des aspirations elles aussi diverses. Les historien·ne·s du mouvement social auraient certainement avantage à y accorder plus d’attention.

Quelques pistes à explorer :

– Manifestations paysannes/actions directes paysannes, résistance à l’Etat, etc.,

– Liens avec le mouvement ouvriers, discussions théoriques, organisation, syndicats, «modèle» de l’ouvrier-paysan ou horloger-paysan, etc.

– Modèles alternatifs, coopératives, communauté, etc. (jardins collectifs, «communs», etc.)

– Question foncière, prix de la terre et affection du sol, etc., en lien avec les pratiques de culture, concentration de la propriété et ouvriers agricoles ; de manière plus générale, place de l’agriculture dans le développement du monde moderne, thèse de la fin ou d’une disparition de la paysannerie (Mendras), etc.

– Solidarités paysannes internationales

– Question du genre et rôle des paysannes

Les auteurs et autrices intéressé·e·s peuvent transmettre une proposition d’article d’ici octobre 2020 aux responsables de ce futur numéro :

juri.auderset@unifr.ch ; alain.clavien@unifr.ch