Appel à contributions!

Engagement religieux et monde ouvrier – Appel à contributions pour les Cahiers d’histoire du mouvement ouvrier, n° 36, 2020.

Peu présentes dans l’historiographique du mouvement ouvrier en Suisse, les organisations à tonalité catholique et protestante ont pourtant occupé une place importante dans l’encadrement des milieux populaires tout au long du XXe siècle. La défense du monde ouvrier et des catégories subalternes est-elle incompatible avec l’engagement religieux ? Bien des exemples, encore peu étudiés à ce jour, semblent indiquer que l’histoire du mouvement ouvrier a aussi été façonnée par des organisations militantes protestantes et catholiques.

De nombreux travaux pour la France et la Belgique retracent l’histoire de l’Action catholique en soulignant la manière dont cette forme d’encadrement de la classe ouvrière donne progressivement lieu à des réappropriations par les travailleurs eux-mêmes. Or, la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) a sans doute joué un rôle important en Suisse, notamment à Genève, dans la politisation de centaines de jeunes catholiques. Certains d’entre eux s’engageront ensuite dans des mouvements exigeant une amélioration des conditions matérielles d’existence des catégories les plus démunies, comme en témoigne la genèse de l’Association de défense des locataires (ASLOCA) et du Mouvement Populaire des Familles (MPF). On peut également mentionner le syndicalisme chrétien qui, en Suisse romande, voit l’abandon progressif du corporatisme et l’essor d’une composante influencé par le courant autogestionnaire, comme en témoigne la Confédération romande du travail (CRT).

Côté protestant, les travaux du théologien de gauche Klauspeter Blaser[1] sur les relations étroites entre le socialisme religieux français de Paul Passy et la fondatrice lausannoise de la Fédération romande des socialistes chrétiens, Hélène Monastier (1882-1976), ou entre le pasteur zurichois Leonhard Ragaz (1868-1945), fondateur de la ReligiösSozialistische Vereinigung der Deutschschweiz[2], et le Mouvement Blumhardt en Allemagne méritent aussi d’être valorisés dans ce nouveau cahier. Et c’est sans compter des acteurs importants du socialisme en Suisse tels que le pasteur Jules-Humbert Droz (1891-1971) qui joue un rôle décisif lors de la fondation du Parti communiste suisse (PC) avant de s’engager au Parti socialiste (secrétaire central de 1946 à 1959). Proche ou issus de cette mouvance, se trouvent également des figures du pacifisme comme Pierre Cérésole (1879-1945) et Willy Kobe (1899-1995) à Zurich, ou de l’objection de conscience comme le pasteur Michel Grenier, fondateur du Centre Martin Luther King en 1969 (aujourd’hui CENAC). Bien que minoritaires, contestés autant par les institutions religieuses que par certains acteurs concurrents dans l’espace militant, ces mouvements n’ont pas moins tenté, parfois avec succès, de s’inscrire dans le mouvement ouvrier. A ce titre, ils méritent d’être inclus à part entière dans son historiographie.

Quelques pistes et idées à explorer :

  • Les transformations et conflits internes au sein du syndicalisme chrétien, et ses rapports avec les syndicats de l’Union syndicale suisse. On pense notamment à l’important fonds d’archive de la Confédération romande du travail (CRT) déposé récemment à la Bibliothèque cantonale universitaire de Dorigny (BCUD)[3].
  • L’histoire de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) depuis sa création jusqu’à ses crises internes à la fin des années 1960, avec parallèlement la création du Mouvement populaire des familles (MPF) et la défense du droit au logement (ASLOCA).
  • L’essor et les luttes menées par les acteurs du socialisme religieux en Suisse et ses rapports avec ses voisins allemands et français.
  • L’activité de groupes ou personnalités progressistes liés au judaïsme (par exemple les antennes suisses du Bund ou du Poale Zion).
  • La mouvance pacifiste chrétienne et son évolution de la lutte pour la paix à l’antimilitarisme en passant par l’objection de conscience.
  • La genèse de certains services d’aides sociales et leur inscription contextuelle (CSP, CARITAS, etc.) et plus généralement les conceptions du monde ouvrier formulées par les institutions religieuses, tant catholique que protestante.
  • Les organisations de sensibilité ou d’origine religieuses qui, au début des années 1970, se sont impliquées dans le cadre des luttes anti-impérialistes et des grèves ouvrières.

 

Nous invitons les auteurs intéressés à transmettre un résumé de leur article (d’environ 400 mots) d’ici décembre 2019 aux responsables de ce futur numéro : Gilles Descloux (gilles.descloux@unil.ch), Hadrien Buclin (hadrien.buclin@unil.ch), Marianne Enckell (marianne.enckell@gmail.com)

 

 

[1] Klauspeter Blaser, « La tradition du socialisme chrétien: Aperçu historique – mouvements et figures – débats et enjeux », Autres Temps. Les cahiers du christianisme social 61, no 1 (1999): 71‑78 ; Klauspeter Blaser, « Le Mouvement Blumhardt et le socialisme religieux en Suisse et en Allemagne », Autres Temps. Les cahiers du christianisme social 63, no 1 (1999): 61‑72 ; Klauspeter Blaser, « L’héritage socialiste-chrétien dans la théologie du XXe siècle, successeurs ou succédanés ? », Autres Temps. Les cahiers du christianisme social 68, no 1 (2000): 101‑14.

[2] Willy Spieler, Stefan Howald, et Ruedi Brassel, éd., Für die Freiheit des Wortes: neue Wege durch ein Jahrhundert im Spiegel der Zeitschrift des religiösen Sozialismus (Zürich: TVZ, 2009).

[3] Voir le site internet de l’AEHMO, section Fonds d’archives (https://aehmo.org/fonds-archives/fonds-de-la-confederation-romande-du-travail-crt/)