Appel à contributions

Appel à contributions pour les Cahiers 2025

Dans les usines, les ateliers et les ménages

Coord. : Géraldine Beck, Cécile Boss, Marianne Enckell et Pauline Milani

 

Ce cahier s’inspire du sous-titre que Margarethe Faas-Hardegger donnait à son journal L’Exploitée (1907-1908), l’organe officiel de la Fédération ouvrière suisse des aiguilles. Organisation syndicale, soutien aux femmes violentées, propagande pour les coopératives, diffusion de moyens anticonceptionnels : la cause des femmes ouvrières est partout, à l’usine, à la cuisine, au lit.

En 2013, Nelly Valsangiacomo et Carole Villiger collaboraient sur un numéro des Cahiers intitulé « Femmes, Syndicats, Engagement » (1) qui s’articulait autour de différentes questions abordant l’imbrication du genre et de la classe sociale : comment la sphère syndicale a-t-elle intégré les questions de genre dans ses luttes ? Quelles possibilités pour les femmes ouvrières, et particulièrement quand elles sont aussi immigrées, de s’engager dans des activités politiques ? Comment saisir les parcours des pionnières du mouvement ouvrier face à la rareté des sources du XIXe siècle ?

Le cahier 41 s’articulera autour du travail productif et reproductif des femmes ouvrières, cherchant, à partir des différents lieux de la contestation (lieux de travail, foyer, syndicats, organisations politiques, organisations féministes…) les signes d’un intérêt ou d’une sensibilité à ces aspects. « Féminisme ouvrier » (2), féminisme « tendance lutte des classes » (3), « féminisme prolétarien » (4)… autant de façons de désigner l’appropriation des idées féministes par les femmes du mouvement ouvrier, et surtout l’imbrication des luttes de libération contre le capitalisme et le patriarcat. Dans ce cadre, la grève féministe (arrêt du travail productif et reproductif) semble être l’action par excellence. Inspiré par les grèves en Suisse, événements marquants de 1991 à 2019 au moins, notre projet est aussi une invitation à se pencher sur leur histoire et à remonter aux grèves du début du XXe siècle dans les secteurs d’emploi féminisés.

Il y a une quarantaine d’années, deux ouvrages ont été pionniers en la matière en Suisse romande. Ursula Gaillard et Annick Mahaim, dans Retards de règles, 1983, intitulent un chapitre « Dans le logis des travailleuses » ; Madeleine Denisart et Jacqueline Surchat ont étudié la condition des ouvrières à Vevey et à Nyon (Le cigare et les fourmis, 1987), et se penchent sur « Être femme et travailler » et « La vie ouvrière ». Depuis lors, nombreux sont les travaux qui ont vu le jour sur l’histoire du mouvement féministe en Suisse, révélant bien souvent de nouvelles sources et perspectives de recherches. Mais l’intersection de la classe et du genre reste encore peu explorée.

Quant à l’historiographie sur les intersections entre histoire du genre et histoire ouvrière, pour reprendre les réflexions de Michelle Zancarini-Fournel et Xavier Vigna (5), elle s’est depuis le temps largement enrichie, permettant un renouvellement des approches. D’abord « histoire ouvrière du travail féminin » (6), celle-ci s’est affirmée en tant qu’histoire des ouvrières, incluant progressivement d’autres catégories d’analyse comme les travailleuses des « classes populaires » (7). Dans l’idée de mieux saisir les spécificités des vies des travailleuses – dont les ouvrières –, de nombreux travaux s’attachent également à intégrer et interroger des formes de travail périphérique : « invisibles », non rémunérées, précaires, militantes. Ces recherches, en remettant en question les frontières – également géographiques – du concept de travail (8), permettent d’étudier ensemble le travail productif/reproductif.

Nos cadres temporels incluront des propositions allant de la fin du 19e à la fin du 20e siècle en prenant appui sur deux extrémités : 1890, la date de création de l’Union suisse des ouvrières (9) qui permet d’inclure les premières associations syndicales, et 1991 : date de la première grève des femmes. Géographiquement, ce cahier porte sur la Suisse romande prioritairement, et ses relations à d’autres régions linguistiques (Suisse alémanique, italienne, etc).

Pistes possibles :

  • Mouvement ouvrier et syndical : la place des femmes dans les premières organisations autonomes au XIXe siècle ; les syndicats et les grèves vaudoises autour de 1907 ; le rôle du syndicalisme révolutionnaire ; syndicats et Nouveau mouvement féministe, naissance des commissions femmes ; coopératives ouvrières de consommation, coopérativisme par/pour les femmes ;
  • Des chambres à coucher au Planning familial : contrôle des naissances et néo- malthusianisme ; le rôle des femmes médecins, des infirmières et/ou des assistantes sociales ; revendication autour de la santé reproductive au travail ;
  • Sur le lieu de travail : accès à la formation et au monde du travail, inégalités et spécificités ; salaire au travail ménager et reconnaissance du travail au sein du foyer ; soin des enfants : luttes pour l’assurance maternité ; revendication/initiatives spécifiques autour des crèches ou garde des enfants, collectivisation des soins et de l’éducation ;
  • Nouvelle gauche et groupes extra-parlementaires : action auprès des travailleuses salariées ou domestiques par des groupes mixtes ; du MLF aux grèves féministes de 1991 et 2019 ;
  • À la tribune et au parlement : accès et formation à la citoyenneté, la place des militantes au sein des partis de gauche (PST, PS, PdT, POP…)

 

Les propositions de contributions (titre et résumé de 1000 signes, référence bibliographique non comprise) sont à envoyer au plus tard le 31 mai 2024 à :

geraldinebeck(at)riseup.net //// boss.cecile(at)gmail.com //// info(at)aehmo.org

La décision de la rédaction suivra. La première version des articles devra être soumise le 1er novembre au plus tard et sera discutée lors d’une rencontre avec l’ensemble des auteur·e·s et les responsables du numéro. Une nouvelle version tenant compte des propositions de modifications devra parvenir à la rédaction au plus tard le 1er février 2025. Les articles comptent 25 000 à 30 000 signes. Des illustrations de bonne qualité sont bienvenues.

 

1  Valsangiacomo Nelly et Villiger Carole, Femmes, Syndicats, Engagement. Les Cahiers d’histoire du mouvement ouvrier, n°29, Lausanne, AÉHMO & Éditions d’en bas, 2013.

2  Maruani Margaret, Les syndicats à l’épreuve du féminisme, Paris, Syros, 1979.

3  Trat Josette, « L’histoire oubliée du courant “féministe lutte de classes” », in : Josette Trat (éd.), Femmes, genre, féminisme, Paris, Syllepse, 2007.

4  Femmes en lutte, no1, Lausanne, 8 mars 1978.

5  Vigna Xavier et Zancarini-Fournel Michelle, « Intersections entre histoire du genre et histoire ouvrière », Clio. Femmes, Genre, Histoire,no38, 2013, p. 181-208.

6  Thébaud Françoise, Écrire l’histoire des femmes et du genre, Paris, ENS, 2007.

7  Gallot Fanny et Tabutaud Amandine, « Du renouveau de l’histoire des femmes au travail : note critique autour de quelques travaux récents », Sociologie du travail, vol. 61,no3, 2019.

8 Betti Eloisa, Papastefanaki Leda et Tolomelli Marica (eds.), Women, Work, and Activism, Work and Labor – Transdisciplinary Studies for the 21st Century, CEU Press, 2022. Chaperon Sylvie, Grand-Clément Adeline et Mouysset Sylvie, Histoire des femmes et du genre : historiographie, sources et méthodes, Collection U, Malakoff, Armand Colin, 2022. Isler Simona, Politiken der Arbeit. Perspektiven der Frauenbewegung um 1900, Bâle, Schwabe Verlag, 2019.

9  Joris Elisabeth, « Union suisse des ouvrières », in : Dictionnaire historique de la Suisse, 2022. En ligne : https://hls- dhs-dss.ch/fr/articles/030557/2022-12-06/, consulté le 18.11.2023.