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Cahier n°26. Justice sociale, justice de classe ?

AÉHMO & Éditions d'en bas.

2010, 159 p.

Présentation

Les deux concepts choisis pour caractériser notre dossier des Cahiers  d’histoire du mouvement ouvrier n° 26 sont astucieusement antithétiques et ironiquement complémentaires, comme le révèle une lecture suggestive de l’article d’ Alexandre Elsig sur les procès intentés contre la « bande à Tronchet ».
Réagissant à l’abandon par la FOBB de la notion de lutte de classe, les maçons genevois ont créé en 1929 la Ligue d’action du bâtiment (LAB) afin d’intensifier «une lutte légitime», en recourant «à l’illégalité des moyens employés», contre l’inertie des patrons et l’incapacité de l’État à faire respecter la convention signée qui interdisait le travail le samedi après-midi et le dimanche. Les jeunes syndicalistes, après avertissement, occupaient les chantiers, interrompaient les travaux et parfois les sabotaient, constatant, comme le dit malicieusement Lucien Tronchet, «ce pitoyable spectacle de dizaines de policiers protégeant des entrepreneurs violant un règlement de travail, conclu sous l’égide du Conseil d’État». Ces affrontements hebdomadaires, classe contre classe, débouchaient sur des amendes, puis un jour ce fut un procès. Mais le jury populaire, malgré les pressions des juges, acquitta les quatorze ouvriers impliqués.

La presse de droite cria que tout était désormais ouvert à la fureur des anarchistes niant le droit de propriété et la liberté du travail ; celle de gauche imagina que ce procès avait offert aux ouvriers le droit de contrôle sur les chantiers. En fait, il y eut une meilleure surveillance de la part du pouvoir et un décourage- ment de la part des redresseurs de torts. En un mot, la LAB se dissout en 1936 et, comme l’indique Elsig, «à Genève, le temps n’est plus à la conquête de droits nouveaux par l’action directe, mais à la sauvegarde pure et simple de ceux récemment acquis ».

La majorité des articles de ce volume sont consacrés à des procès qui apparaissent comme de nature de classe ou politique.

(Extrait de l’introdution).

Sommaire

  • Introduction par Michel Busch (pp. 3-6)
  • Clément Bailat, Le procès des réfractaires lors des grèves de septembre-octobre 1902 à Genève: Un exemple de justice de classe (pp. 7-18)
  • Pablo Cruchon et Guillaume Lefebvre, Anarchisme, justice et répression étatique: l’exemple de «l’affaire Bertoni» (pp. 19-39)
  • Claude Cantini, Yverdon 1907 : grève des cigarières, répression et cigarette syndicale (pp. 40-48)
  • Alexandre Elsig, L’action directe en correctionnelle: La Ligue d’action du bâtiment et l’affaire de Versoix (1931) (pp. 49-62)
  • Pierre Jeanneret, Le procès de la « panosse fédérale », les répercussions lausannoises du 9 novembre 1932 (pp. 63-70)
  • Ignace Cuttat, Manifestations sous surveillance. Le Premier Mai à Genève durant la Seconde Guerre mondiale et contrôle policier (pp. 71-84)
  • Michel Busch, Ainsi la Justice gisait dans les fonds (pp. 85-100)
  • Francesca Mariani Arcobello, Francesco Borella (1883-1963), avocat du mouvement ouvrier de Suisse italienne (pp. 101-114)
  • Entretien avec Nils de Dardel (pp. 115-122)
  • Charles Heimberg, Mari Carmen Rodríguez et Frédéric Mole, L’affaire Ferrer ou le centenaire silencieux d’un assassinat (pp. 123-140)
  • Chroniques (pp. 141-146)
  • Renato Simoni, En souvenir d’Elio Canevascini
  • Charles Heimberg, Accueillis à bras fermés
  • Comptes rendus (pp. 147-159)